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29 mars 2016

[critique] ( 9 /10 ) L'ETREINTE DU SERPENT par Christophe L.

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Synopsis: Karamakate, un chaman amazonien puissant, dernier survivant de son peuple, vit isolé dans les profondeurs de la jungle. Des dizaines d’années de solitude ont fait de lui un chullachaqui, un humain dépourvu de souvenirs et d’émotions. Sa vie est bouleversée par l’arrivée d’Evans, un ethnobotaniste américain à la recherche de la yakruna, une plante sacrée très puissante, possédant la vertu d’apprendre à rêver. Ils entreprennent ensemble un voyage jusqu’au cœur de la forêt Amazonienne au cours duquel,  passé, présent et futur se confondent, et qui permettra à Karamakate de retrouver peu à peu ses souvenirs perdus.

Troisième long-métrage de Ciro Guerra (Les Voyages du vent),L’étreinte du serpent s’inspire des récits de voyages de l’ethnologue al­lemand Theodor Koch-Grünberg (Jan Bijvoet,Alabama Monroe) et du biologiste américain Richard Evans Schultes (Brionne Davis,Ray Donovan). Mais c’est la figure de Karamakate ,(Nilbio Torres,le bougeur de mondes) un chaman solitaire ultime représentant d’un peuple disparu dont le chemin croise ceux des deux explorateurs, qui domine ce film. Ces deux rencontres, ou plutôt confrontations, à quarante ans d’écart, sont celles de mondes – l’ancien et le nouveau – ayant perdu leur âme, le premier à cause de son avidité, le second par l’étreinte colonisatrice qu’il a subie.

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Dans ce contexte, Karamakate incarne le sort de tous les indigènes d’Amazonie. S’il a échappé aux massacres perpétrés par les Blancs (hier pour l’exploitation du latex, aujourd’hui pour le contrôle des gisements gaziers et pétroliers), il n’en a pas moins souffert un viol culturel et spirituel : il est devenu un chullachaqui, une envelop­pe charnelle vide, sans mémoire, un étranger sur sa propre terre, inadapté à son environnement. Il n’est guère plus animé que son double photographique. Cette dénonciation rejoint celle de Patricio Guzmán dans Le bou­ton de nacre (El botón de nácar ), bouleversant documentaire évoquant, entre autres, la disparition, sous les coups de la civilisation, des Selk’nams, peuple de Patagonie occidentale. A ce génocide répond l’écocide de l’Amazonie. L’étreinte du serpent se déroule en effet à deux périodes dramati­ques de son histoire appelées fièvres du caoutchouc (ciclo da borracha), au cours desquelles non seulement les populations autochtones furent réduites en esclavage ou exterminées, mais aussi la forêt surexploitée. Et c’est là, sans doute, le message fondamental du film : les destins de la nature et de l’Homme sont étroitement liés. Les blessures infligées à l’une ne laissent pas l’autre indemne. L’idée est transcrite dans une scène tragique, où un Indien mutilé récolte la sève lactescente s’écoulant des troncs meurtris des hévéas…

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Les périples de Théo et Evans répètent celui de Charles Marlow, avec des conséquences cependant diamétralement opposées. S’enfonçant toujours plus loin au cœur des ténèbres, le héros de Conrad notait qu’il voyageait dans la nuit des premiers âges : « La terre n’était plus la Terre. […] Ce n’était plus la Terre et les Hommes ». Son aventure l’éloignait irrémédiablement de la civilisation. En remontant le fleuve, les deux explorateurs de Ciro Guerra s’apprêtent également à retourner à l’état de nature. Mais au lieu de plonger dans un « barbare tu­multe », ils vont toucher à l’essence de la vie et de notre condition. Ils passent de l’inhumanité à l’humanité, de la folie à la raison, par une transmutation onirique provoquée par la Yakruna, un lierre hallucinogène épiphyte de l’arbre à caoutchouc, sorte de pierre philosophale du monde végétal.

"Trip psychédélique"

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Pour amener le spectateur à suivre le même cheminement, le cinéaste colombien fait le choix du noir et blanc, qu’il foudroie de couleurs en une unique séquence, celle du trip psychédélique d’Evans, restitué à l’écran par une série de motifs abstraits et de variations chromatiques. En nous ramenant aux sources esthétiques du ciné­ma, il nous renvoie, métaphoriquement, aux fondements de notre humanité, dont nous a détournés notre matérialisme scientifique et technologique ; en jouant sur ces deux tonalités, à la fois antithétiques et complémentaires, il nous rappelle en même temps notre métissage. Dans la même perspective, il ajuste sa mise en scène au rythme de l’eau, seul capable de restituer visuellement l’élan quintessentiel du vivant – par là même, il fait de l’Amazone le plus majestueux des travellings cinématographiques. Enfin, il nous rend sensible la musicalité de la vie, son harmonie, par l’enchâssement des parlers humains (cu­beo, huitoto, ticuna, espagnol, portugais, anglais, allemand, latin…) dans la clameur aérienne de la forêt. De cette mosaïque de sons, il tire la plus euphonique des partitions : l’opéra de la nature.

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L’étreinte du serpent n’est donc pas le voyage au bout de l’enfer auquel on pouvait s’attendre, compte tenu du cadre, qu’une longue tradition cinématographique, alimentée par le fantasme très occidental d’une nature qui nous se­rait nécessairement inhospitalière, n’a eu de cesse de représenter dans ce qu’il a de plus farouche, de plus mortifère (les films de Werner Herzog Aguirre, der Zorn Gottes ou Fitzcarraldo sont à cet égard exemplaires). En effet, même si elles tutoient l’horreur (voir à ce sujet la scène dépeignant une ancienne mission catholique abandonnée, où un messie halluciné et dégénéré offre littéralement son corps à ses sectateurs en une eucharistie cannibale que ne renierait pas Ruggero Deodato), les deux expéditions offrent une voie de salut à Théo et Evans – mais aussi à Karamakate. Au terme de cette quête initiatique et spirituelle, ils recouvreront ce qu’ils avaient per­du peut-être même en avaient-ils oublié l’existence : leur âme.

L'ÉTREINTE DU SERPENT - Bande-annonce

 

CHRISTOPHE L.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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